L’intelligence collective : Pourquoi est-ce un sujet central ?

Le développement de l’intelligence collective est au cœur de notre métier. Nous souhaitons donc vous proposer dans les mois à venir une série d’écrits confrontant la question de l’intelligence collective à différentes thématiques : complexité, délégation, influence, bonheur au travail, compétences personnelles, interpersonnelles, etc. Au fur et à mesure, nous tenterons d’apporter des réponses aux questions suivantes : comment mieux connaître et comprendre l’Homme dans sa diversité sans « psychologiser » à l’excès ? Comment articuler une intelligence de groupe dans un environnement toujours plus complexe ? Comment s’orienter parmi des injonctions paradoxales ? Comment influencer les personnes, éthiquement et sans contrainte, pour davantage d’efficacité ? Comment créer un collectif qui donne envie à chacun de donner le meilleur de soi au groupe, au service de la Vision et/ou des objectifs ? Comment développer un Leadership propre à favoriser le développement de l’Intelligence Collective ? Etc.

L’intelligence collective est une matière  qui est encore en pleine période de « défrichage intellectuel », tant elle s’avère vaste, ramifiée, technique.

Pourtant, si complexe soit le sujet, nous allons tenter de vous démontrer qu’il doit être central dans la réflexion de tous les acteurs de l’entreprise, a fortiori évidemment chez les décideurs. Voici donc quelques éléments de réflexion pour vous en convaincre.

Pour commencer, définissons brièvement ce dont nous parlons.

 

Qu’est-ce que l’intelligence collective ?

 

Le schéma ci-dessous donne une idée assez juste de ce que nous incluons dans cette notion :

Dans l’idée, on constate que le contexte doit être à la base de la réflexion et de l’action entrepreneuriales. L’entreprise doit œuvrer en fonction de la réalité du contexte, qu’elle l’influence ou qu’elle le subisse. Comment ? En faisant en sorte que les « piliers » de l’entreprise – sa vision, sa structure (son organisation) et les compétences des individus – répondent de façon synergique aux exigences contextuelles. L’intelligence collective, c’est ce qui va permettre cette synergie. La difficulté est donc double :

  • Le contexte évolue sans cesse et oblige à des adaptations fréquentes, particulièrement au niveau des compétences et de l’organisation
  • Quel que soit le pilier concerné, il est constitué d’hommes et de femmes, avec leur personnalité, leur histoire, leurs doutes, leurs émotions, leur ego…

Emerge de cette double difficulté un véritable paradoxe structurel : faire que des individus hétérogènes produisent une action collective homogène

A ce stade, on constate combien l’intelligence collective est une notion complexe, multifactorielle, composite; aussi composite que la ressource humaine ! On mesure aussi que c’est bien l’Homme, et ses propriétés singulières, qui doit être au cœur de l’étude de l’intelligence collective.

 

L’incontournable facteur humain

 

On comprend alors mieux pourquoi, contrairement à ce que l’on peut croire, l’intelligence collective ne se développe que rarement spontanément : les différences, la peur de l’autre, les complexes personnels, les enjeux, la carrière, le stress et bien d’autres facteurs viennent heurter, contrecarrer, ralentir, le développement de l’intelligence collective; et donc la synergie recherchée. En lieu et place on trouve des rivalités interpersonnelles sur fond de crise égotique permanente, du déni, de l’évitement ou bien, au contraire, des comportements tyranniques et dominateurs, de l’émotion non canalisée, des compétences étouffées par une forme de censure et/ou (pire) d’autocensure, etc. Evidemment, tout cela occasionne moult effets secondaires particulièrement nuisibles, que ce soit en terme d’efficacité et d’atteinte de résultats, que de risque psychosocial. Dans ce sens, l’intelligence collective devrait donc constituer un sujet d’étude permanent classé en « priorité haute ».

Avant d’aller plus loin, on ne peut s’empêcher d’évoquer en outre le vide sidéral dans lequel, en la matière, on laisse les étudiants, quelque soit leur domaine d’apprentissage. Nos pauvres jeunes futurs encadrants se trouvent ainsi confrontés à un autre paradoxe lourd de conséquences :

  • D’une part, plus le prestige de l’école ou de l’université est grand, plus les jeunes diplômés ont de chances de manager tôt dans leur carrière.
  • D’autre part, de façon persistante, un nombre infiniment faible d’heures de cours est consacré au management des hommes et au développement du leadership, et plus généralement à l’intelligence collective. Comment passer à côté de tout cela ? Comment ne pas donner aux futurs manager les clés pour comprendre ce qui produit et ne produit pas de l’intelligence collective ? Ce vide s’explique notamment par la domination sans partage des hard skills au détriment des soft skills, délaissées. Les travaux et ouvrages existent pourtant en grande quantité; citons Mary Parker Follett (« Creative experience », 1924 !), Gary Hamel, Noël Tichy, Warren Bennis, et tant d’autres. Les propos suivants sont pourtant clairs :

L’Entreprise ne survivra et ne prospérera que par l’innovation. Or, celle-ci nécessite un changement de paradigme managérial. La préparation de l’avenir par l’innovation impose une meilleure mobilisation, une meilleure coopération de toutes les forces de l’Entreprise, car l’avantage compétitif primordial est la ressource humaine.

Michel Crozier, sociologue, enseignant à Paris X, Science Po Paris, Stanford, et Harvard

Pour aller dans ce sens, un participant à une de nos formations, cadre supérieur dans l’aéronautique résumait les choses ainsi : en fait, les difficultés techniques, on parvient toujours à leur trouver des solutions; ce qui est difficile, c’est de réunir le bon casting et de faire fonctionner efficacement les experts ensemble. CQFD!

 

Le management « command and control », faute de mieux

 

Du coup, sans connaissance technique particulière, on fait avec ce que l’on a. Alors, pour fonctionner sans trop se poser de questions, il suffit simplement de reproduire le traditionnel schéma d’autorité « maître-élève » pratiqué avec plus ou moins de bonheur par nos parents et nos professeurs. De fait, un management de type « command and control » s’est globalement développé : vertical, au fonctionnement autoritaire, laissant peu de place à l’émotion comme à l’initiative personnelle, les discussions se limitent à la transmission de directives techniques. Le manager décide, le collaborateur exécute; l’homogénéité est ainsi préservée : ouf ! Le recrutement est lui-même fortement homogène, réduisant d’autant le champ de la diversité via la définition de profils-types, par ailleurs souvent proches de ceux-là même des recruteurs ou des dirigeants; parce que l’on apprécie rien tant que de pouvoir recruter des « bébés soi ». On manage donc cet effectif à grands renforts de directives en exigeant qu’aucune tête ne dépasse.

Ce mode de fonctionnement, à juste titre aujourd’hui critiqué par les théoriciens mais toujours très pratiqués’avère pour autant adapté aux circonstances suivantes :

  1. Environnement et problématiques simples. Les compétences du dirigeant suffisent à élaborer la solution.
  2. Le collaborateur a besoin d’accompagnement parce qu’il n’est pas encore complètement autonome. Le «command and control» est donc ici transitoire.
  3. Le dirigeant est un génie, un individu brillantissime. Attention alors à l’égocentrisme, à la prétention de l’expertise omnisciente, à l’infantilisation des équipes (non responsabilisées), à la solitude et…à la succession !
  4. Situation de crise qui réclame des mesures urgentes (par exemple, entreprise en grande difficulté). Attention à ce que cela ne perdure pas ! Le danger est réel, notamment si le patron a agi efficacement : il peut se croire invincible, invulnérable et finalement ne plus écouter ses collaborateurs.

Evidemment, on n’est absolument pas là en pays d’intelligence collective, puisque les mécanismes de décision se réduisent à la personne du chef, à son expérience, à son instinct. C’est pauvre, réduit, écrasant… Mais l’homogénéité de l’action est garantie. Pour autant, tous les univers ne sont pas simples; tous les collaborateurs ne manquent pas d’autonomie; tous les patrons ne sont pas des génies! Las, ce mode de management s’est généralisé bien au-delà de ce qu’exige l’efficacité et…la raison.

 

Les limites du « command and control »

 

Citons-en seulement trois :

  • Un manque d’engagement dans la recherche de solution. Pour illustrer, permettons-nous une une courte équation de mots : le chef est le gardien de la décision + il aime çà + il n’apprécie pas les idées alternatives qui nous font passer pour ses ennemis + en tant que collaborateur, je ne m’expose pas + çà me va bien, et même si c’est peu épanouissant, çà limite les risques et les « prises de tête » = comme on dit dans le sud : « pourquoi veux-tu que je me décarcasse » ?
  • Un déficit de responsabilisation, un excès de victimisation. On est dans la continuité de ce qui précède. Ce mode de travail collectif génère de l’irresponsabilité à tous les étages de l’entreprise, aussi bien chez les collaborateurs que chez les managers, car le seul responsable, c’est le chef ! On peut aussi, dès lors que les entités s’avèrent vastes et complexes, incriminer  « le système », sorte de matrice insaisissable aux procédures autoritaires qui dirigent à la place des hommes. C’est alors le « système » qui est responsable de tout ! Et vous, nous, moi, de rien ! Du coup, une défiance, voire parfois une véritable haine pour le chef/le système et ses représentants se développe. « Tout est de leur faute, je ne sers à rien, ils sont responsables de tout ! Et moi, je suis victime » !
  • En découle une problématique psychosociale forte. Pour mémoire, on parle bien d’une époque un peu folle dans laquelle de grandes sociétés sont amenées à pratiquer une veille psychosociale 24/24h pour prévenir les suicides ! Encore une équation pour bien comprendre ce phénomène : autoritarisme + excès de normatif qui engendre une forme d’acculturation + ce qui est différent est rejeté + chacun dissimule sur son lieu de travail ce qui chez lui est singulier et/ou n’apparaît pas acceptable en regard de la norme + peur + optimisation de la remplaçabilité de chacun = problématique psychosociale alarmante !

 

Tout cela génère turn-over, résignation, absentéisme ou faux présentéisme (« je suis là physiquement mais mon esprit est ailleurs »); effets que déplorent par ailleurs les propres gardiens de ce système ! Le command&control abime la ressource humaine et étouffe l’intelligence collective.

Fort heureusement, il existe des solutions alternatives générant engagement dans l’élaboration des solutions, responsabilisation de chacun à la mesure de ses compétences et de sa contribution, favorisant l’épanouissement individuel. En faisant finalement de l’entreprise ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : un terrain d’aventure, d’enseignement (de ce qui marche et ne marche pas), de plaisir et de réussite. De fait, on comprend combien la question de l’intelligence collective doit se trouver au cœur de la réflexion entrepreneuriale.

Alors, comment peut-on concrètement faire mieux sans compromettre l’homogénéité globale de l’action ?

 

Les techniques d’intelligence collective, alternatives au management traditionnel

 

Développer l’intelligence collective nécessite « d’hétérogénéiser » la ressource humaine, d’utiliser au maximum l’éventail de la diversité. Ceci posé, pour que cette hétérogénéité produise davantage de richesse que de troubles, il conviendra d’user de méthodes managériales assez éloignées de ce qui vient d’être évoqué, parce que générer de la complémentarité entre des individus très différents n’est pas chose simple.

A cette fin, il est nécessaire de développer des compétences permettant de comprendre l’humain et ses propriétés si spécifiques. En commençant par se former pour comprendre la diversité.

 

Comprendre la diversité

 

Avant tout, il convient de s’entendre sur la notion de diversité. Que signifie-t-elle selon nous ?

Evidemment, on pense au premier chef à la diversité ethnique, de genre, d’études, de quartiers, etc. Mais notre souhait est surtout de considérer la diversité des tempéraments, des émotions, des histoires personnelles, des vécus, en clair : la diversité des personnalités. Car la diversité vue sous cet angle constitue alors un formidable potentiel de richesse, en terme d’expérience, d’angle de vue, de pluralité intellectuelle…

Pour autant, l’argument est séduisant mais il demeure un peu court. En fait, une évidente question demeure : pourquoi élargir la diversité des recrutements pour choisir des personnes dont les comportements me placeront à coup sûr dans l’inconfort ?

La réponse est simple : parce que certaines personnes font mieux que vous certaines choses ! Voire, savent faire des choses que vous ne savez pas faire. Par exemple, quand certains apprécient la solitude de la tâche, d’autres s’épanouissent en multipliant les échanges relationnels. Certains voient haut et loin, et détestent les détails; tandis que d’autres consacreraient leur vie entière à analyser ces mêmes détails au point parfois d’attacher davantage d’importance au process qu’au sens même de leur mission. Tous ont leurs forces et leurs faiblesses, mais l’entreprise a besoin de chacun d’eux. Faut-il simplement les reconnaître et les comprendre pour apprendre à travailler avec ces personnalités aux évidences parfois si éloignées des nôtres; et leur donner les rôles qui leur conviennent. Dans ce sens, nous constatons très souvent une cruelle erreur de casting, qui consiste à confier un poste de manager à un salarié sous le prétexte qu’il est expert et brillamment évalué dans l’exercice de sa tâche. Or, on va lui demander de s’appliquer à lui-même un changement majeur : celui de passer de « faire » à « faire-faire ». Nombreux sont les managers désemparés face à cette gageure : on peut en effet savoir « faire » sans forcément savoir « faire faire ». Alors, pour compenser,  ils font « à la place de ». On revient alors au command&control ! Nous connaissons quantité d’entreprises qui se confrontent à cette inadéquation entre la fonction et la personnalité de celui qui l’occupe.

Reprenons notre fil… La complexité des contextes appelle donc une diversité élargie des missions, qui appelle elle-même une diversité de personnalités pour réaliser ces missions.

Pour que cela soit possible, il va s’agir d’acquérir les connaissances élémentaires à une compréhension globale de l’Autre, pour pouvoir par exemple rapidement répondre aux questions suivantes : cet Autre, quelles sont ses motivations ? Comment fonctionne-t-il ? Quel est son rapport à l’émotion ? A la relation ? Qu’est-ce qui fait qu’il réagit ainsi ? Etc. L’idée est d’aller chercher quelques enseignements fondamentaux qui permettront de comprendre une personne très différente suffisamment vite pour ne pas nous trouver déstabilisés dès lors que nous y serons confrontés. Conséquemment, nous pourrons plus facilement accepter cet individu et évaluer ce que sa personnalité peut apporter à sa mission et au collectif. Ainsi, la différence deviendra solution et ne fera plus peur, parce que l’on sera davantage en mesure de l’identifier, de la nommer.

Subsidiairement, ce connaissances nous permettront aussi de poser des mots sur nos ressentis, ce qui est toujours préférable particulièrement dans un contexte de tensions. Parce que dès lors que l’on réfléchit à nommer, à identifier, on est connecté à notre rationalité, pas seulement à nos émotions, qui elles, du coup, s’atténuent. Mais pour cela on a absolument besoin de théorie sur laquelle prendre appui.

Comprendre la diversité nous permettra en outre de pouvoir l’influencer pour favoriser l’intelligence des interactions et donc de l’action collective.

 

Décliner l’intelligence collective à tous les étages de l’entreprise

 

Il s’agit d’un vrai défi ! Pour y parvenir, il convient tout d’abord de travailler la qualité des relations interpersonnelles pour apprendre aux personnes à intervenir en public pour partager leur expertise, à s’écouter, accepter la contradiction, débattre. Le développement de l’esprit critique est clé dans la recherche d’élévation de l’intelligence de l’ensemble; faut-il qu’on lui réserve un terrain d’expression. Pour cela, il convient que chacun acquiert les techniques relationnelles ad hoc et fasse preuve de maîtrise personnelle pour éviter, dès lors que le débat s’anime, une spontanéité réactive voire éruptive car bien trop esclave de l’émotion. L’entreprise est un lieu où l’on ne doit ni s’écharper, ni censurer ses idées. Les participants à un collectif sont payés pour contribuer à la recherche de solutions grâce à l’apport de leur singularité, de leur expertise propre et de leur capacité à interagir. Dans cette optique, la règle de base est de ne surtout pas confondre les faits et les opinions. Ces dernières sont le produit d’une interprétation et d’une émotion qui parasitent le débat en créant des blocages. Or, on le sait, chacun n’est pas tous les jours en mesure de se tenir à distance suffisante de ses émotions et de regarder les faits objectivement – par exemple pour cause de fatigue personnelle ou de sensibilité. Pour pallier à cela, le collectif doit se comporter en gardien de  l’objectivation des faits. Cette capacité ne s’improvise que rarement; se former est nécessaire.

De la même façon, il conviendra d’exiger de chacun qu’il privilégie la tonalité de la suggestion, plus apaisante et moins engageante que celle de l’affirmation, souvent perçue comme abrupte et ne laissant pas de place à la discussion. Dans ce but, la question suivante est très utile : « comment le savez-vous » ? Car avant de prétendre affirmer, faut-il être en mesure de démontrer.

Il convient donc que l’entreprise forme les personnes à débattre et à structurer le débat. Ce dernier point nécessite d’établir –  à l’instar d’une équipe de sport de haut niveau – des règles identifiées et partagées de fonctionnement collectif qui permettront à chacun de répondre à la question : « de quoi ai-je besoin pour apporter le meilleur de moi-même au sein de ce collectif ? Il s’agira aussi de favoriser des temps séquencés pour : l’expression d’une parole libérée au service de la construction d’une solution, d’un raisonnement, pour les objections, remarques, propositions alternatives voire disruptives, etc.; une  synthèse; puis une décision explicitée; viendra alors le temps de l’action, qui elle-même ne deviendra homogène qu’à compter du moment où chacun se rangera derrière la décision et agira en fonction. Ainsi, l’ordre sera préservé, mais la décision aura été largement enrichie par l’expression qualitative – le fond par la démonstration et la forme par la suggestion d’hypothèses – de tous les participants . Il est donc possible de maintenir une homogénéité d’action dans un contexte accru de diversité de personnalités.

 

Eviter les pièges de l’Ego

 

Un point essentiel, potentiel frein majeur au développement de l’intelligence collective. Pourquoi ? Parce qu’il n’est pas simple se confronter à l’expression d’idées alternatives pertinentes. Pour autant, c’est la rançon d’un collectif de qualité, en mesure de vous montrer le cas échéant que vous…vous trompez, et de vous faire progresser !

Sur ce point, nous avons coutume de parler « d’ego bien ou mal bâti ». Quid ?

Un ego est mal bâti dès lors qu’il se construit prioritairement sur sa capacité de démontrer aux autres que l’on est plus fort, plus indispensable, plus expert… Cette supériorité que l’on cherche sans cesse à prouver constituerait la source première, croyons-nous trop souvent, de l’autorité. Malheureusement, en cas d’échange un tant soit peu contradictoire, cette autorité peut rapidement se muer en autoritarisme, avec les ravages que cela occasionne sur la contribution du collectif. « Qui est cet autre qui me défie ? Il va falloir que je lui montre que je suis meilleur que lui. Je ne peux pas le laisser prendre le dessus, il en va de ma crédibilité. » On a là dans une quête de pouvoir sur les autres.

Un ego est bien bâti dès lors que la source de satisfaction principale est d’apprendre des autres au service de la solution, et de composer un collectif pertinent, osant suggestions et éventuellement contradiction – encore une fois à condition que celle-ci soit étayée par des faits. Dans ce cas, le manager est celui qui contribue à l’émergence de bonnes idées – ce qui n’exclue pas qu’il en apporte lui-même – à la mise en coordination de ces apports, à leur insertion dans le puzzle de la solution. On est ici davantage dans un développement égotique par l’action positive que l’on a sur les autres. Le fondateur du Centre des Jeunes Dirigeants ne disait-il pas que gouverner, c’est servir ? On est ici en présence d’un pouvoir pour les autres qui, parce que la vie est bien faite, se dédouble d’un pouvoir avec les autres. Le groupe est ainsi plus fort.

Il est donc essentiel de travailler sur son ego, condition sine qua non pour accepter une altérité de qualité sans se sentir menacé.

 

Conclusion

 

Vous constatez sans doute au terme de cette lecture combien la question de l’intelligence collective, source considérable de richesse immatérielle, exige de professionnaliser la relation dans l’entreprise. Ce sujet, ne serait-ce qu’en cela, doit occuper une position centrale dans la réflexion de tous.

Notre expérience nous a permis en outre de constater combien l’intelligence collective favorise l’engagement des personnes dans leur métier : elles font partie d’un collectif au fonctionnement efficace et enthousiasmant, contribuent à l’ensemble (responsabilisation, autonomie) et sont reconnues pour cela. Enfin, dans cet environnement de travail favorable, les risques psychosociaux diminuent.

Pour autant, la matière est complexe et pour aller plus loin, il conviendra de l’étudier avec soin pour sécuriser le développement d’un management alternatif au traditionnel « command and control », au profit d’une efficacité collective accrue et fondée sur une conception du pouvoir qui fait que la pyramide ne repose pas sur sa pointe. Pour cela, nous vous recommandons bien sûr de lire (notre livre notamment !), mais aussi de vous former et de former vos équipes; enfin de n’hésitez pas à vous faire accompagner individuellement.